USG Jean-Pierre Lacroix

“Lorsqu’il s’agit de diriger une mission de l’ONU être bon ne suffit pas. Les chefs de mission se voient confier des responsabilités importantes. Bien des choses peuvent être en jeu (la paix, la sécurité, le développement d’un pays), et cela doit se refléter dans ce que l’on attend des chefs de mission. La capacité à diriger, tant au niveau individuel qu’au niveau de l’équipe, est largement reconnue comme un facteur critique déterminant le succès ou l’échec d’une mission.”
- Jean-Pierre Lacroix, Secrétaire général adjoint (SGA), Département des opérations de paix des Nations Unies

Les opérations de paix visent à faciliter et à garantir l’autodétermination non violente, à prévenir de nouveaux conflits et à maintenir la paix. Une paix durable nécessite des solutions politiques. Elle ne peut être obtenue uniquement par des engagements militaires et techniques. C’est pourquoi les solutions politiques doivent être la ligne directrice de toutes les opérations de paix des Nations unies.

Une opération de paix marque l’engagement politique de la communauté internationale. Cet engagement dépasse le cadre de l’équipe de direction de la mission (EDM – Mission Leadership Team, MLT). Il s’étend au réseau complexe d’acteurs travaillant dans la zone de la mission et dans le pays hôte, ainsi qu’aux États voisins, aux organisations régionales et internationales et aux États membres des Nations unies intéressés, y compris les pays contributeurs de troupes et de forces de police.

La tâche globale est presque écrasante par son ampleur, son importance et sa signification. Et pourtant, c’est peut-être la plus grande source d’inspiration pour le chef d’une mission.

L’engagement de l’EDM n’est jamais un processus mécanique, mais plutôt l’articulation habile d’un jugement politique affiné. Les études montrent néanmoins que ce jugement peut être mieux éclairé par la connaissance des meilleures pratiques et de certaines considérations génériques.

Dans le même temps, les opérations de paix ne sont qu’une partie d’un effort international plus large dans le processus qui fait passer un pays hôte d’une situation de conflit à une situation de paix. Les chefs de mission contribuent donc à changer l’histoire d’un pays, en étroite collaboration avec sa population et au nom des Nations unies. C’est une responsabilité qui requiert des qualités de chef très développées .

Une direction efficace et inclusive est un facteur essentiel à la réussite des opérations de paix. Toutefois, cette idée s’est avérée difficile à rendre opérationnel et à mettre en œuvre sur le terrain. Les opérations de paix sont complexes, et les diriger n’est pas un exercice facile.

Trouver un équilibre entre les deux s’est avéré être un défi pour la communauté internationale. Par chance, il existe de nombreux exemples de réussite très inspirants en matière de direction de mission. En outre, des modèles de meilleures pratiques sont identifiables au-delà des multiples circonstances propres à chaque mission.

Les opérations de paix contemporaines des Nations unies exigent une direction imaginative et dévouée, fondée sur l’intégrité et la compétence. Les mandats du Conseil de sécurité de l’ONU sont désormais plus larges et souvent plus exigeants, car les fonctions de maintien, d’imposition et de consolidation de la paix sont de plus en plus imbriquées et se renforcent mutuellement.

La direction d’une mission consiste également à développer une relation solide avec les homologues nationaux, à canaliser le soutien et les efforts de la communauté internationale sur le terrain et, plus important encore, à faciliter le changement. Ces tendances ont accru les exigences à l’égard des chefs de mission, qui doivent être mieux préparés, mieux dotés en ressources et plus responsables de leurs actions.

La direction de la mission doit être exercée par l’équipe de direction de la mission au niveau national et par les chefs de bureau et les commandants de secteur au niveau infranational. Une bonne direction des missions des Nations unies reflète le caractère multiforme des opérations de paix et leur fondement politique, l’environnement dangereux, l’évolution constante des intérêts et des programmes, leur complexité et leur ampleur, les enjeux élevés et le grand nombre de facteurs dynamiques et externes.

Les hauts responsables des opérations de paix doivent être des leaders éprouvés et compétents dès le départ. L’exercice de direction dans des opérations de paix ne peut se résumer à une formation sur le tas. Il s’agit toutefois, dans une large mesure, d’un apprentissage sur le tas.

Les meilleurs dirigeants de mission sont ouverts d’esprit, curieux et flexibles, et favorisent un environnement propice à l’apprentissage continu et adaptatif tout au long de la mission et de la durée de son mandat.

 

Essence of Leadership

 

Le cadre de leadership du système des Nations unies présente huit caractéristiques définissant le leadership des Nations unies :

 

Dans tout pays, le processus politique est compliqué par des pressions et des acteurs contradictoires. La direction de la mission devra continuellement gérer les attentes des différents acteurs impliqués dans le processus, et même de l’ensemble de la population. En conséquence, le consentement des parties à la mise en œuvre du mandat ne peut jamais être considéré comme acquis. L’impact des rebelles doit également être pris en compte. Peut-être plus que pour tout autre aspect du mandat de la mission, et en raison de la centralité du processus politique, la direction de la mission doit continuellement réévaluer et ajuster chaque décision en fonction des principes de maintien de la paix que sont l’impartialité, le non-recours à la force sauf en cas de légitime défense ou de défense du mandat, la légitimité, la crédibilité et la promotion de l’appropriation nationale et locale. Dans le même temps, la mission doit contrôler le consentement à tous les niveaux (y compris aux niveaux opérationnel et local) avec une grande sensibilité politique pour s’assurer que le mandat est correctement mis en œuvre et que les éventuelles ruptures de consentement sont anticipées et traitées.

L’EDM reflétera de nombreux concepts et cultures de direction. Lorsqu’elle est correctement abordée et cultivée, cette diversité sera une force évidente tant pour la EDM que pour la mission dans son ensemble. Il est important d’investir dans le développement et la constitution d’une équipe professionnelle, inclusive, engagée, dynamique et durable. Toutes les opérations de paix génèrent en permanence, pour ceux qui les dirigent, des défis, des surprises et des frictions qui doivent être traités et surmontés en équipe. Pour une bonne collaboration au sein de la EDM, chaque membre doit d’abord démontrer une compétence interculturelle.

Le renforcement de l’esprit d’équipe doit être défini comme une priorité, planifié et créatif. Les petits efforts répétés comptent. L’accent ne doit pas être mis uniquement sur les occasions formelles et programmées, mais aussi sur le renforcement progressif de l’équipe jour après jour, et lors de chaque réunion de la EDM.

La composition exacte de l’EDM varie en fonction du type de mission et de ses exigences. Les missions intégrées et multidimensionnelles sont généralement dirigées par le Chef de mission (CdM – Head of Mission, HOM) ou Représentant spécial du secrétaire général des Nations unies (RSSG – Special Representative of the Secretary General, RSSG). Cette équipe centrale est composée du RSSG adjoint (politique), du RSSG adjoint-Coordonnateur résident et/ou Coordonnateur humanitaire (RSSG adjoint-CR/CH), du Commandant de la Force (CF – Force Commander, FC), du Commandant du pilier Police (CP), du Chef d’état-major de la Mission et du Directeur ou du Chef du soutien de la mission. Elle est très souvent renforcée par d’autres responsables de sections telles que Droits de l’Homme, Genre, Communications stratégiques et Sécurité.

Quel que soit le format choisi, l’EDM est responsable, au niveau opérationnel, de la mise en œuvre du mandat de la mission par la planification et l’exécution coordonnées des nombreuses tâches nécessaires pour atteindre l’état final stratégique (la vision globale de la mission). Afin d’atteindre ce but, chaque membre de l’EDM doit comprendre son rôle et ses responsabilités individuels.

Head of Police

• Operational command and control over all UN police personnel and units in the mission
• Responsible for establishing the police chain of command

Deputy SRSG/RC/HC

• Primary interface between the mission and the UN Country Team and Humanitarian Country Team
• Responsible for the planning and coordination of humanitarian and development activities, and for maintaining close contact and cooperation with all relevant agencies.

Chief of Staff (COS)

• Responsible for the coherent and efficient management of the integrated mission across all organizational units
• Supports the SRSG in executing his/her management and control functions to fulfil the mission’s mandate
• Ensures the coordinated running of the mission’s control structures to allow the MLT to make informed decisions and adapt effectively to changing contexts

Head of Military

• Responsible for the deployment, control and command of all UN military personnel and units across the mission
• Responsible for establishing the military chain of command

Director/Chief of Mission Support (DMS/CMS)

• Ensures the provision of support to all mission units, including undisrupted supply chains and resource management
• Key advisor to the MLT concerning financial resource management in support of the mission’s mandate

Deputy SRSG

• Responsible for supporting the HOM in strategic political engagement
• Provides leadership in the planning and implementation of the mission mandate

Special Representative of the Secretary-General or Head of Mission (SRSG/HOM)

Depending on the mandate, the role of the HoM can be seen on three levels:
• Lead political representative of the international community through the mandated authority of the Security Council and the Secretary-General. The HOM thus also provides political and strategic direction to the MLT
• Head of the UN peacekeeping operation and responsible for all of its mandated activities as well as the management of the mission’s resources.
• Coordinator of all UN activities and programmes beyond the peacekeeping and political/security tasks.

Les responsables civils assurent la direction générale et politique, et fixent les objectifs stratégiques de la mission. Le personnel en uniforme planifie et exécute ses contributions opérationnelles afin d’atteindre ces objectifs. Dans le même temps, il est important que les éléments en uniforme soient conscients de la dynamique des priorités et considérations politiques, et qu’ils comprennent que celles-ci ne sont pas toujours compatibles avec les pratiques et options opérationnelles privilégiées. Les responsables en uniforme doivent faire preuve de sensibilité et d’imagination dans leurs domaines professionnels et identifier les moyens dont les instruments militaro-policiers pourront disposer afin de soutenir le processus politique. En substance, il doit s’agir d’officiers ayant un sens aiguisé de la politique et de la diplomatie.

Développer la capacité à diriger, c’est donc développer le niveau et la capacité collectifs à produire des résultats partagés, chaque personne engagée devant jouer et jouant un rôle de chef d’une manière ou d’une autre. Cela étant dit, il peut également être utile de clarifier certains aspects clés pour cette étude. Les problématiques concurrentes nécessitant l’implication de hauts responsables peuvent être de nature technique, et qui requièrent des solutions techniques sous forme d’alternatives (l’une ou l’autre). Plus souvent, il s’agit de tensions ou de polarités omniprésentes qui requièrent une attention d’ensemble (l’une et l’autre).