Une EDM doit comprendre le fonctionnement de la planification intégrée des Nations unies. Cela inclut la façon dont la planification interagit avec le processus de conception d’un mandat. Cela concerne également les relations entre le siège de l’ONU et le terrain.
Il existe différentes approches de la planification au sein d’une mission intégrée. La plus évidente peut être celle entre les composantes militaires/policières et civiles. L’EDM devrait encourager des processus de planification souples grâce à une interaction étroite et au partage d’informations.
Chaque présence des Nations unies sur le terrain devrait également disposer d’accords de coordination permanents. L’objectif de ces accords est de rassembler le système des Nations unies. Ils permettent d’assurer une direction et une supervision stratégiques. Ils permettent également de concentrer les efforts conjoints de l’Organisation sur la construction de la paix dans le pays hôte.
Les structures de planification intégrée ou conjointe varient d’une mission à l’autre. Cela reflète le fait que les opérations de l’ONU nécessitent différents niveaux de coordination. Ceci est également conforme au principe selon lequel « la forme suit la fonction ».
Lorsque l’EDM ne dirige pas la planification, l’unité d’objectif de la mission devient incohérente. Sa composante de soutien à la mission (ressources budgétaires et logistiques) peine à fournir un soutien en temps utile. C’est pourquoi l’adhésion et l’engagement actif de l’EDM sont essentiels. L’EDM doit au minimum donner une orientation générale à la planification. Cela permet à une mission de répercuter son processus de planification sur toutes les composantes, ce qui forme ensuite la base d’un plan de mission.
La coordination doit remplir des fonctions stratégiques et opérationnelles essentielles. Les planificateurs stratégiques des entités des Nations unies doivent avoir une compréhension commune de ce point. Cette compréhension concerne leurs objectifs, leurs tâches principales et la composition de l’équipe. L’unité de planification conjointe ou intégrée contribue à garantir une structure de planification à l’échelle de la mission. La figure 2.2 explique cette structure.
Utilisation efficace et créative des outils d’évaluation et de planification
Les Nations unies utilisent un cadre de planification de l’évaluation intégrée (PEI). Une PEI est un processus analytique de l’ONU qui a des implications pour plus d’une entité de l’ONU. La PEI repose sur neuf piliers:
- L’inclusivité. La planification doit impliquer la mission, l’équipe-pays et le siège de l’ONU.
- La forme suit la fonction. La présence de l’ONU reflète des exigences, des circonstances et des mandats spécifiques. Elle peut donc prendre différentes formes.
- Avantage comparatif. Les Nations unies doivent confier des tâches aux entités les mieux équipées pour les mener à bien.
- Variance contextuelle. La mission doit adapter les exercices d’évaluation et de planification à chaque situation. Cela nécessite une analyse des facteurs de paix et de conflit.
- Il s’agit d’une condition préalable essentielle à la durabilité de la paix.
- Un rôle clair des Nations unies par rapport aux autres acteurs.
- La reconnaissance de la diversité des mandats de l’ONU et
- Une analyse préalable des risques et avantages.
- L’intégration. Les processus doivent refléter les politiques des Nations unies (par exemple en matière de droits de l’Homme, de genre, de protection de l’enfance).
UN DPKO Policy on Integrated Assessment and Planning
Pour assurer la cohérence des Nations unies, chaque mission devrait élaborer un cadre stratégique intégré (CSI). Ce cadre doit refléter une vision commune des objectifs stratégiques de l’ONU. Il devrait définir des résultats et échéances convenus. Il doit également préciser comment assurer l’efficacité des tâches de consolidation de la paix. D’autres cadres de planification de l’ONU (par exemple un cadre de coopération des Nations unies pour le développement durable [UNSDCF) peuvent servir de CSI.
L’objectif d’un CSI est de :
- rassembler le système des Nations unies autour d’un ensemble commun de priorités convenues en matière de consolidation de la paix;
- identifier les priorités communes et prioriser les activités convenues;
- faciliter une réorientation des priorités et/ou des ressources, le cas échéant; et
- permettre aux cadres supérieurs de faire régulièrement le point.
Le CSI doit se concentrer sur les priorités de consolidation de la paix propres à la zone de la mission. Une mission peut impliquer les activités politiques et séquentielles de nombreux acteurs des Nations unies. Cela signifie que de nombreuses tâches typiques du mandat sont exigeantes et chronophages. Les exemples incluent le DDR, la RSS, l’état de droit, le retour et la réintégration des personnes déplacées internes (PDI) et des réfugiés. Un CSI permet de clarifier les choses et d’établir des priorités, ainsi qu’un cadre de responsabilisation.
Les planificateurs de la mission doivent connaître d’autres processus d’évaluation et de planification. Ils doivent également créer des liens substantiels avec le CSI, dans la mesure du possible. Ces processus peuvent inclure un plan de réponse humanitaire.
Système intégré de planification et d’évaluation de la performance (SIPEP – Comprehensive Planning and Performance Assessment System, CPAS)
L’ONU a lancé son SIPEP pour les opérations de maintien de la paix en 2018. L’objectif était de fournir aux missions de maintien de la paix un outil pour mesurer leur impact. Le système fait partie du cadre intégré d’évaluation de la performance.
Le SIPEP est un outil de planification, de suivi et d’évaluation spécifique au contexte et à la mission. Il aide à traduire les objectifs de la mission en composantes et en plans de travail. Il permet à l’EDM de poursuivre les activités qui ont un impact significatif et de réduire celles qui n’en ont pas.
Le SIPEP est également un cycle itératif et adaptatif. Le cycle commence par un processus de planification et se termine par des ajustements apportés aux plans futurs. La figure 2.3 explique le processus.
PLAN
1) Define priority objectives, 2) Map the context, and 3) Build results framework. In the first step, all components of a mission come together to form a joint understanding of the priority objectives based on the mandate, to map the context, and to build a results-based framework.
PERFORM
4) Implement plan and capture data. As the mission implements the plan, they capture data on the impact of their work.
ASSESS
5) Analyse data to assess impact and effectiveness of mission outputs, and 6) Generate dashboard. The collected data is analysed to assess the impact and effectiveness of the mission outputs. A dashboard is then generated and the performance assessment is presented to senior mission leadership, along with recommendations.
ADJUST
7) Inform strategic decision-making and planning. Based on the data presented in the dashboard, informed strategic decisions and adjustments are made to improve or maintain the missions’ performance.
Dans les grandes missions multidimensionnelles, le système génère des évaluations trimestrielles de la performance. Cela permet à une mission de s’adapter avec plus d’agilité à des circonstances qui évoluent rapidement. Au fil du temps, il contribue à alimenter les rapports du Secrétaire général au Conseil de sécurité. Il alimente également les rapports des missions à la Cinquième Commission de l’Assemblée générale.
Analyse du contexte : facteurs de paix et de conflit
Ces dernières années, le maintien de la paix axé sur les données a connu une forte progression. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Une analyse des systèmes de conflit permet une planification et des opérations intégrées. Elle permet d’identifier les facteurs de paix et de conflit. Elle permet également d’identifier les domaines dans lesquels les interventions contribueront à la paix et à la sécurité.
Une telle analyse peut inclure l’analyse commune par pays des Nations unies ou des recherches externes. Par exemple, un atelier d’experts peut aider à identifier les facteurs de paix et de conflit. À l’autre bout de l’échelle, la mission peut développer un système complet de suivi de la paix et des conflits.
UN DPKO Integrated Planning and Assessment Handbook
La mission doit intégrer l’analyse tout au long de ses processus de planification, de mise en œuvre et de suivi. Elle se fonde donc sur le renseignement, le dialogue avec les parties prenantes et la réévaluation continue.
Lorsqu’elle est bien menée, elle peut devenir un élément clé du processus d’élaboration d’une stratégie politique et d’un concept de mission. Elle fournit également une méthode permettant de s’assurer que la mission applique une l’approche « Do No Harm» (littéralement « ne pas nuire »).
Toute analyse de paix et de conflit doit comporter les quatre éléments suivants :
- Une analyse de la situation, du contexte ou du profil.
- Une analyse des facteurs de causalité de la paix et des conflits.
- Une analyse des parties prenantes ou des acteurs.
- Une analyse de la dynamique de la paix et des conflits.
Priorisation et séquençage
Au début de la période post-conflit, les objectifs de consolidation de la paix les plus urgents doivent être une priorité. Le défi consiste à identifier les activités qui servent le mieux ces objectifs. Cela doit refléter l’analyse du contexte plutôt que ce que des acteurs spécifiques peuvent fournir. Il est peu probable qu’une mission puisse mener à bien toutes les activités requises en même temps. La priorisation garantira l’utilisation optimale des ressources disponibles.
Il existe des différences évidentes entre la priorisation et le séquençage. La priorisation dépend de l’importance d’une activité. Cela ne signifie pas que d’autres activités doivent attendre la fin d’une activité prioritaire. En revanche, le séquençage signifie qu’une activité ne doit pas commencer tant qu’une autre n’est pas terminée.
La combinaison des deux approches peut donner au résultat une priorité élevée. Mais il peut être séquencé à un stade ultérieur, lorsque le contexte est plus propice au changement. Par exemple, il est préférable d’initier un processus de réconciliation à un moment ultérieur, lorsque les conditions sont favorables.
Au cours de la phase de planification, la mission doit à la fois prioriser et séquencer les activités. L’EDM doit orienter sur ses priorités, tandis que les planificateurs proposent des options de séquençage. Des représentants légitimes du pays hôte doivent participer à ces efforts.
L’imprévisibilité des activités sur le terrain perturbera presque toujours le séquençage prévu. La priorisation et le séquençage doivent rester souples afin de s’adapter à l’évolution de la situation. Sinon, la mission ne saura pas où affecter ses ressources limitées. Et l’influence de facteurs externes sera d’autant plus significative et déstabilisatrice.
Intégrer une perspective de genre à chaque étape
United Nations, ‘Action for Peacekeeping: Declaration of Shared Commitments on UN Peacekeeping Operations’
Toute analyse, y compris la planification et les actions, doit prendre en compte l’ensemble de la population, c’est-à-dire reconnaître qu’il existe des différences dans les conditions de vie, mais aussi dans la vie et les besoins économiques et politiques. Par conséquent, la perspective de genre doit faire partie intégrante de toute analyse et de toute planification.
Une opération de paix des Nations unies est un mécanisme essentiel de promotion de l’égalité des sexes. Si les femmes ne jouent pas un rôle important dans le processus de paix et de sécurité, il est peu probable que la paix soit durable. Il est essentiel qu’une perspective de genre active soit intégrée dans les travaux liés aux opérations de paix de l’ONU. Sans cela, les missions n’auront qu’une vision partielle des choses. Cela inclut les facteurs de paix et de conflit, les menaces et les opportunités de paix durables. Une expertise du genre est donc essentielle au sein de la mission. Elle permet de s’assurer que les activités de maintien de la paix répondent aux besoins des femmes et des hommes. Elle garantit également l’allocation de ressources pour soutenir l’agenda Femmes, Paix et Sécurité (FPS) au sein de la mission.
L’intégration d’une perspective de genre est un engagement qui s’applique à l’ensemble de la mission. Elle doit commencer par l’EDM.
Une analyse sexo-spécifique considère les dynamiques de pouvoir dans la société. Elle identifie les indicateurs qui servent de signaux d’alerte précoce de menaces pesant sur la mission. C’est particulièrement important pour les missions dont le mandat comprend la protection des civils (PoC). Une telle analyse peut permettre d’améliorer la capacité de la mission à évaluer les menaces et à y répondre.
L’absence d’analyse sexo-spécifique peut avoir un impact négatif à long terme. Cela pourrait retarder les processus de paix et les futurs efforts de consolidation de la paix.
Prise de décision fondée sur le renseignement
Dans les opérations de paix de l’ONU, le renseignement fait référence aux informations liées à la mise en œuvre d’un mandat. Les données de renseignement peuvent également servir à l’analyse de la paix et des conflits, et à la prise de décision. Le renseignement permet aux missions de prendre des décisions et d’améliorer la sécurité de l’ensemble du personnel.
Le renseignement dans le cadre du maintien de la paix permet d’obtenir une image opérationnelle commune et cohérente. Il permet d’alerter rapidement en cas de menace imminente grâce à un bon renseignement tactique.
La structure précise du renseignement varie d’une mission à l’autre. Elle dépend du mandat et des ressources mises à disposition par les pays fournisseurs de troupes (PCT – Troop-contributing countries, TCC).
Utiliser les technologies émergentes
Les missions utilisent les nouvelles technologies à des degrés divers. Les technologies de contrôle et de surveillance en sont un exemple. Les nouvelles technologies peuvent faciliter la mise en œuvre du mandat de la mission. Toutefois, la EDM doit demander l’avis des spécialistes des trois composantes sur cette question.
Une mission utilise principalement la technologie pour soutenir la prise de décision et améliorer la sécurité. Il s’agit notamment des technologies relatives à la connaissance de la situation, aux véhicules aériens sans pilote, aux radars terrestres et à la télévision en circuit fermé.
L’EDM doit coordonner les questions techniques (p. ex. les fréquences radio) avec le pays hôte. Mais les technologies de contrôle et de surveillance nécessitent une gestion politique prudente. L’EDM doit faire en sorte de rester impartial conformément aux lois nationales et internationales. Une mission ne doit pas utiliser de moyens illicites pour collecter des informations.